L’hypnose, un outil pour l’entraînement

Entretien avec Christophe Massina

Christophe Massina

Entraîneur national de judo, responsable de l’équipe de France féminine

Christopher Buet

Journaliste

François-Xavier Mas

Rédacteur-éditeur à l’INSEP

Entraîneur national de judo et actuellement responsable de l’équipe de France féminine, Christophe Massina utilise l’hypnose depuis six ans. Une pratique déroutante dans le haut niveau, mais qui se révèle très utile au quotidien dans l’accompagnement des athlètes et la gestion de la compétition.

Encore mal vue en France où elle est davantage rattachée à sa dimension spectacle, l’hypnose est une affaire sérieuse. Depuis 2017, Christophe Massina s’en sert au quotidien. Pour lui-même, mais aussi au dojo avec ses athlètes sur les tatamis. Outil de l’arsenal de la préparation mentale, l’hypnose a tout d’un allié pour les sportifs et les sportives. À condition d’en comprendre les mécanismes et les potentialités. Communication, observation, autonomie, l’occasion d’aborder sa vision de l’entraînement, sa relation avec les athlètes et avec la préparation mentale.

De quoi parle-t-on ?

Quelle définition donneriez-vous de l’hypnose appliquée au sport ?

L’hypnose est un état modifié de conscience, que les sportifs ont l’habitude de côtoyer en situation de compétition, d’engagement total. On parle souvent des traileurs, des coureurs qui disent, à un moment, ne plus sentir leurs jambes, comme s’ils étaient sur un nuage, l’état de flow où tout se goupille bien, sans réfléchir. Ce sont des états hypnotiques. Dans ces moments, nous sommes conscients de tout ce qui se passe et en plus, nous parvenons à conjuguer tout ce qui nous constitue. Dans le cerveau, pour schématiser, vous avez l’instinct, les émotions et les pensées. L’hypnose va travailler sur les émotions, sur la manière de pouvoir les contrôler, plutôt que sur les pensées.

En quoi consiste l’hypnose ?

Il y a plusieurs applications. D’abord, je l’utilise dans ma manière de communiquer avec les athlètes. Je ne leur parle pas pour les mettre en état d’hypnose mais j’utilise le langage associé, la suggestion à l’entraînement. Suivant le comportement des athlètes, leur fonctionnement, je vais utiliser des formules qui leur correspondent. En individuel, on va apprendre à gérer ses émotions, trouver des outils pour travailler sur les notions de stress, d’engagement, de motivation… Cela implique beaucoup de discussions pour déterminer les besoins, les objectifs de travail. Ensuite, des exercices pour se mettre en état de conscience modifié et agir sur les émotions venant d’une situation particulière. Je leur fais revivre des moments. Nous nous rappelons tous où nous étions le 11 septembre 2001 parce que c’est un événement marquant. En sport, il y a des événements qui marquent avec des émotions associées et c’est facile de les revivre.

L’hypnose est-elle à inclure dans ce qu’on appelle la préparation mentale ?

C’est un outil de préparation mentale comme peuvent l’être la PNL ou la méditation. Ce n’est pas une baguette magique mais on peut en ressentir des effets rapidement sur la manière de se concentrer, la motivation, le travail à l’entraînement. Quand on intervient sur les changements de comportement, là, le processus, plus inconscient, demande plus de temps pour que ça se mette en place, car il y a un cheminement personnel et un engagement total à avoir.

Quel est votre rôle ?

Je ne fais rien. L’athlète est en contrôle à 100 %. On pense que l’hypnose, c’est perdre le contrôle, mais pour moi, elle permet au contraire de reprendre le contrôle sur ce qui se passe. Je cherche à leur donner une autonomie complète en les amenant à l’autohypnose, en leur donnant des exercices à faire seuls. Le but, c’est qu’ils puissent se débrouiller, sans une personne comme béquille, car sur le tapis, ils sont seuls.

Avez-vous senti un effet sur la manière d’aborder l’entraînement chez les athlètes que vous suivez ?

Dans leur manière de s’entraîner, parce que je les questionne beaucoup sur ce qu’ils font.

Quand utiliser l’hypnose ?

Avant ou pendant l’entraînement. Pendant, c’est de la répétition, comme pour des techniques ou des mouvements. C’est de l’entraînement mental, pour se mettre dans les bonnes dispositions, avoir les bons niveaux d’activation. Je l’utilise aussi beaucoup pour les retours de blessure, la récupération. Cela fonctionne très bien parce qu’on met le corps en mouvement par rapport à une problématique, un devoir de récupération. On dit que dix minutes d’hypnose équivalent à une sieste d’une heure. Je ne suis pas loin de le penser. Ça aide vraiment. Il existe plein de techniques qui permettent de s’endormir plus rapidement. On peut lutter contre le décalage horaire aussi. Je l’utilise souvent pour mieux récupérer. En judo, c’est crucial, d’autant plus que notre compétition dure huit jours aux JO. C’est très long, il y a de la tension, des ascenseurs émotionnels. Dans ces périodes, je m’impose une séance d’autohypnose tous les jours pour me poser, évacuer ce qui s’est passé et arriver le plus frais possible le lendemain. Les athlètes voient vite quand on est calme ou tendu. Ce sont des éponges, ils captent tout.

D’où vous est venu votre intérêt pour l’hypnose ?

Je m’intéressais au cerveau, je lisais des articles sur son fonctionnement, les différents états de conscience modifiés. Ma femme s’y intéressait aussi. Lors de l’année olympique 2016, j’avais eu deux athlètes qui étaient dans le creux de la vague. Il fallait que je trouve un électrochoc pour les sortir de là et je leur ai proposé de travailler en hypnose. La première, c’était un mois avant le championnat d’Europe (à Kazan en avril 2016) et coïncidence ou pas, elle remporte la compétition. Pour la seconde, je trouvais qu’elle avait un comportement inadapté quand on la soulevait. Je lui ai proposé de traiter ce point en hypnose, car tous ses adversaires avaient repéré cette faille. Coïncidence ou pas, elle est championne olympique (à Rio). Ça questionne, d’autant que j’ai remarqué des changements dans les attitudes. La deuxième notamment ne lâchait plus les mains quand elle était soulevée. Pendant un an, j’ai continué à lire, à échanger avec ceux qui les avaient suivies, avec elles. Puis j’ai décidé de me former.

L’hypnose dans la relation entraîneur-entraîné

En quoi l’hypnose a-t-elle modifié votre manière d’entraîner ?

Ça n’a pas forcément changé ma façon d’entraîner mais l’analyse que j’en fais. Ça m’a permis de prendre les choses avec plus de hauteur, de m’interroger sur la raison pour laquelle je n’arrivais pas à faire évoluer tel athlète. Ça n’empêche pas qu’à un moment, il faut partir à la baston. On croit souvent que si tu travailles le mental, c’est que tu es faible. Quand tu t’intéresses au mental, on te traite souvent de « rêveur » qui intellectualise trop et oublie le côté combat. Il faut sortir de cette représentation. Ce n’est pas parce qu’on va travailler le mental qu’on ne va pas être un guerrier. Au contraire, on peut encore plus le développer.

Quel regard portez-vous sur votre évolution d’entraîneur ?

Ça m’a fait évoluer en bien mais c’est plus fatigant. J’essaie de peser chaque mot. Au début, c’est un vrai sacerdoce parce que nous avons de telles habitudes de langage « négatif », que changer sa façon de parler, de réagir, ça demande de l’énergie. J’essaie de le faire comprendre aux athlètes, en séance individuelle. Quand on s’analyse, on a tendance à dire ce qu’on n’a pas fait. Mais on oublie de dire ce qu’on aurait pu faire à la place, ce qu’on cherche à faire. On oublie aussi de parler de ce qu’on a bien fait. J’essaie de tout le temps ramener du positif, comme dans la culture anglo-saxonne. Certains livres disent que pour corriger un feedback négatif, il en faut sept positifs. J’ignore si c’est vrai mais cela montre combien le positif est plus difficile à construire.

Quelles erreurs peut-on commettre ?

Vouloir faire à travers l’autre et orienter les réponses vers ce qu’on aurait aimé ou voulu voir. Au début, on se met souvent à la place de l’autre et on se dit que si on nous avait posé cette question, on aurait répondu de telle manière. Ce ne sont pas de grosses erreurs mais, en faisant ça, on ne redonne pas le pouvoir à l’athlète. Ça vaut pour l’hypnose et pour d’autres choses. C’est à bannir, car si l’on veut faire progresser un athlète, les réponses doivent venir de lui. Il faut veiller à être le plus neutre possible et c’est un questionnement qui s’acquiert, qui cherche à être à côté plutôt que donneur de leçon.

En quoi l’adhésion de l’athlète est-elle indispensable à la mise en place de ce travail ?

Tu ne peux pas l’imposer. Ce ne serait pas éthique, premièrement, et ce ne serait pas efficace. Si tu veux travailler sur de la motivation et que l’athlète n’est pas d’accord pour travailler comme ça, ce sera un coup d’épée dans l’eau. Les athlètes savent que je travaille là-dessus et ce sont eux qui viennent me poser des questions. À ce moment-là, je peux leur proposer d’en discuter plus sérieusement pour qu’ils comprennent en quoi cela consiste. Globalement, c’est assez nouveau en France de travailler le mental et les jeunes athlètes sont assez demandeurs. Ils sont plus ouverts. Parfois trop parce qu’ils y mettent plus que cela ne mérite, pensant que cela va changer le cours de leur vie. Ce n’est toutefois qu’une partie parmi plein d’autres dimensions. Le mental, ça se travaille mais il y a aussi le travail physique, technique.

On en revient à ce que vous disiez sur une plus grande conscience de soi dans l’hypnose.

L’hypnose, c’est de l’hyperconscience. La majeure partie de notre vie est gérée par des phénomènes inconscients. Quand on décide de prendre un stylo, notre cerveau l’a déjà décidé avant qu’on s’en saisisse. Ça se joue en millièmes de secondes mais c’est le cas. L’objectif, c’est de pouvoir prendre le contrôle. Par exemple, on peut réussir à mettre un peu plus de conscience dans notre manière de respirer, ou ralentir notre rythme cardiaque. En revanche, on ne maîtrise pas les pensées qui nous arrivent.

Est-ce que l’hypnose ne serait pas le moyen de repérer ces moments de plénitude ?

Le jeu va être de repérer dans la vie de tous les jours, par l’autohypnose, les moments où nous sommes légèrement en décalé. Car nous vivons en moyenne 20 à 30 moments d’hypnose par jour sans nous en rendre compte, par exemple quand on lit et qu’on est à la place du personnage. Comment en est-on arrivé là, jusqu’à oublier tout ce qu’il y avait autour ? Repérer ces moments peut nous aider ensuite à trouver les moyens d’y revenir et les leviers qui nous correspondent, car tout le monde peut entrer en état d’hypnose.

Cela suppose pour l’entraîneur de bien connaître le fonctionnement de ses athlètes.

Au départ, je me suis formé à l’hypnose pour mieux communiquer avec mes athlètes et mieux les comprendre. Je n’avais pas vraiment l’idée de faire de l’hypnose. Ce qui m’intéressait, c’étaient les techniques de communication éricksoniennes et finalement, je suis allé au bout du cursus. Parce que pour comprendre le fonctionnement des personnes, pour déceler un comportement dans le non-verbal, ça demande de la pratique, de la réflexion sur la manière dont tout cela fonctionne.

Quelle est elle la meilleure fondation pour construire l’athlète : le mental, le physique ou la technique ?

On dit souvent qu’avant de travailler le mental, il faut avoir travaillé le physique et la technique. Je ne suis pas d’accord. Comme on ne connaît pas bien ce qui se passe là-haut (dans la tête), on se dit qu’on va axer sur le physique et la technique. Je trouve ça dommage. Je pense que tout peut se faire en même temps. Pour moi, il faut prendre en compte toute la dimension humaine. On a un individu, ce n’est pas qu’un athlète, on a une personne qui s’entraîne et qui se prépare pour faire des performances, mais qui s’entraîne et se prépare aussi pour être une personne dans la vie, pour être un homme ou une femme et réussir dans sa vie, pas seulement dans le sport. On a souvent tendance à l’oublier, et moi le premier. Bien sûr que notre objectif c’est la médaille d’or olympique, la médaille d’or mondiale, ça fait partie de notre ADN d’aller chercher ça. Mais je dirais, et c’est avec beaucoup d’émotion que je le dis, j’adore quand un athlète me dit : « Tu m’as fait grandir en tant qu’homme ou en tant que femme. » Je pense que je préfère entendre ça, plutôt que : « Merci pour cette médaille d’or olympique. »

Comme vous le dites, il s’agit de trouver l’équilibre en tant qu’être humain et en tant qu’athlète.

Oui, et j’ai un souvenir qui m’est revenu il y a peu de temps, d’un entraîneur qui m’a marqué par rapport à cela. C’était un entraîneur de sport étude qui s’appelait André Delvingt. C’est lui qui m’a vraiment fait découvrir ce que c’était qu’entraîner. Pas entraîner dans le sens de faire de la « performance », mais plutôt dans le sens de donner de l’entrain, entraîner à la vie, être capable de se donner des objectifs, de se planter mais de rebondir. C’est tout cela qui me semble le plus beau dans notre métier, ce n’est pas seulement gagner des médailles. Dans ma dernière mission avec les masculins, pendant cinq ans, ça a été très compliqué, et je pense que j’ai pourtant vécu des moments énormes en termes d’émotions. Bien sûr, il y a eu la médaille d’or par équipe aux JO de Tokyo qui a été l’apothéose, il y a eu des médailles mondiales, mais en fin de compte, je peux compter sur les deux mains le nombre de médailles qui m’ont semblé vraiment intéressantes. Mais en termes d’émotion, de partage, de compréhension de la dimension humaine, ces cinq années ont été extraordinaires pour moi.

L’hypnose, l’entraîneur et le préparateur mental

La communication est un élément central de votre pratique de l’hypnose. Vous abordez d’autres usages, comme la récupération, le retour de blessure…

Je suis venu à l’hypnose pour répondre à une problématique de terrain, notamment en termes de communication. C’est parce que je suis entraîneur, mais l’hypnose est un outil qui peut être utilisé par des préparateurs mentaux, qui ne sont pas entraîneurs, qui n’ont pas une relation entraîneur-entraîné forte. Je parle donc surtout de ma position d’entraîneur et de l’utilisation que je peux en faire dans ce cadre. Cela peut être intéressant dans une autre manière de procéder, pour questionner les athlètes sur leurs objectifs, leurs motivations, sur leur façon de se concentrer, de se préparer. C’est pourquoi ça touche tous les sports. C’est moi qui l’utilise d’une manière différente en réalité. Je dirais qu’une relation entraîneur-entraîné assez forte, en « one to one » comme on dit, implique une certaine retenue et un engagement dans la relation qui peut être différent d’une personne qui est juste là pour la préparation mentale, et je ne dis pas cela de manière péjorative. En ce qui me concerne, j’engage plus de cœur, plus d’émotion, parce que je suis là au quotidien, je ne suis pas simplement là pour faire réfléchir, pour questionner. C’est en grande partie ma pratique, mais je suis là aussi pour apporter de la technicité, de la planification, un ensemble de choses qui font que je me suis positionné dans cette pratique différemment qu’un préparateur mental.

Du fait de votre pratique, votre relation avec les préparateurs mentaux doit être particulière. Est-ce que vous avez un regard critique ?

Je pense que j’ai un regard, je ne dirais pas critique, mais alerte. Je suis vigilant à l’éthique de cette pratique, pas forcément sur l’aspect hypnose, mais sur la préparation mentale en général. À mon sens, comme tous mes collègues entraîneurs nationaux, nous restons quand même très vigilants à ce que nous appelons les « gourous ». C’est un terme qui est encore présent et qui pourrait l’être encore plus, parce qu’il y a beaucoup de formations à la préparation mentale qui sont organisées, dont certaines que je trouve un peu limites, notamment des formations en ligne. Autant pour certains, ça peut être une très bonne chose, ça va leur permettre de continuer leur métier tout en se formant à de nouveaux outils. Ils ont une légitimité du fait de leur expérience. Mais pour d’autres, je ne suis pas persuadé que dans une formation en ligne, on développe la relation, alors que c’est pour moi le plus important dans la préparation mentale : être en mesure de comprendre les enjeux dans une relation tripartite, avec l’athlète, l’entraîneur, le préparateur mental. Il peut aussi y avoir le préparateur physique, la famille, etc. C’est donc une relation très complexe, et dans ces circonstances, la seule formation en ligne me questionne. Pour moi, c’est juste de l’économie, et on risque de se confronter à des pratiques qui ne sont pas du tout éthiques, où le but est de développer une activité. Je suis vigilant par rapport à ça et je pense qu’il y a beaucoup de collègues qui le sont également. Je ferais un rapport, quinze ans en arrière, où globalement on était déjà vigilants par rapport à ça. On l’est un peu moins, car la préparation mentale a quand même porté ses fruits et a montré la réalité de son potentiel. Mais en ce moment, on est à mon sens à une étape clé, et il faut voir comment on va gérer ça.

C’est une pratique qui n’est pas réglementée, un peu comme la préparation physique en fin de compte. Il y a des diplômes de préparateur physique qui fleurissent. Un préparateur physique sans expérience, c’est une question qui peut se poser. Entre guillemets, on risque moins dans le cas de la préparation physique, car l’entraîneur est un peu plus alerte par sa formation. Dans le cas de la préparation mentale, si l’entraîneur fait appel à un spécialiste, c’est qu’il ne se sent pas forcément apte.

Je ne suis pas préparateur mental, je suis entraîneur. Je tiens à préciser les choses. Je me suis formé à l’hypnose, j’ai passé un certificat de compétence spécifique sur la dimension mentale, mais ça ne me donne pas le titre de préparateur mental. Mais c’est vraiment un point de vigilance pour moi de faire attention à qui intervient, comment, avec quelle éthique. Je suis intervenu il y a peu de temps dans le cadre des coaches APPI de l’INSEP sur cette problématique de comment l’entraîneur national va observer cette pratique et je leur ai tout de suite dit que j’avais une alerte rouge quand un préparateur mental commence à diffuser sur les réseaux qu’il suit tel athlète et qu’il a fait tel résultat. J’ai un filtre qui se met automatiquement : pourquoi fait-il ça ? Pour qui le fait-il ? Quelle est la démarche ? Est-ce que c’est pour lui ou est-ce que c’est pour l’athlète ? C’est toute la complexité de ce métier. Il faut se faire connaître, et en même temps, se faire trop connaître, moi ça me questionne. La vraie question c’est pour qui et pourquoi tu fais ce métier.

Est-ce que ce serait le rôle des organisations ou des entraîneurs d’encadrer cette pratique ?

J’ai vraiment une volonté, et certaines fédérations le font, c’est chercher à encadrer cette pratique. Proposer aux athlètes qui ont envie de s’engager dans cette démarche, et c’est le but de l’INSEP avec le label APPI, des personnes labellisées, qui sont dignes de confiance, qui ont une certaine éthique, qui répondent à un certain cahier des charges. Je pense que les fédérations doivent s’orienter dans ce type de projets. Que ce soit réglementé par le ministère ou par l’État, je n’en suis pas persuadé parce qu’il y aura des dérives de toute façon, mais que les fédérations posent le cadre des personnes qui peuvent intervenir auprès des athlètes. Cela permettra à mon sens de faire réfléchir les personnes qui vont dans cette direction : « Tiens, pourquoi est-ce que la fédération a labellisé certains coaches ? Ça veut peut-être dire que certains ont des dérives dans ce domaine. » Ça aurait le mérite de questionner et je pense que ça n’engage pas à grand-chose. Cela permet de donner une ligne directrice. Mais ça n’empêchera jamais un athlète de créer sa propre cellule. Ça le regarde, et tant mieux quelque part, parce que c’est aussi une certaine autonomie de l’athlète qui me semble intéressante dans l’organisation de la performance. Mais, dans la plupart des cas, poser une ligne directrice permet de faire évoluer les mentalités. Cela obligerait aussi les personnes qui ont envie de travailler avec une fédération à adopter une certaine éthique. Cela enverrait donc le message aux athlètes : « Nous essayons de faire attention à votre sécurité » et cela enverrait le message aux personnes formées à la préparation mentale : « Pour protéger aussi bien votre métier que les athlètes, nous mettons un cahier des charges en place et nous labellisons. »

Les techniques d’hypnose sur le terrain

Quelles techniques, quelles connaissances avez-vous besoin de maîtriser pour pratiquer l’hypnose ?

Pour appliquer l’hypnose, vous n’avez pas besoin de connaître le fonctionnement du cerveau, mais cette connaissance permet de comprendre comment on prend une décision, la mécanique des émotions. Cela m’aide, pas seulement dans l’hypnose, mais aussi au quotidien en tant qu’entraîneur pour la pédagogie. Pour vraiment pratiquer, il faut une dextérité d’observation pour utiliser toutes les techniques de la bonne manière. Avec l’hypnose, on est sur le fonctionnement humain, pas sur la psychologie, qui demande, elle, des années d’études.

L’important est donc surtout d’observer…

Oui, et cela ne se fait pas tout de suite. Cela demande de la pratique. En ce qui me concerne, comme cela a toujours été ma sensibilité, j’ai certainement développé cet aspect. Parfois, je suis capable de ne pas dire un mot pendant une séance et de ne faire que de l’observation, voir le comportement dans des moments qui peuvent être difficiles. Parfois, je peux donner l’impression de m’en foutre, mais je regarde les gestes, le regard, la manière de se concentrer à chaque rupture. Des choses comme cela que je peux déceler. J’aime bien également observer les temps de repos, la manière dont l’athlète se repose : est-ce qu’il se met tout seul dans son coin ? Est-ce qu’il va aller déconner avec les autres ? Il se passe beaucoup de choses dans ces temps d’inaction. C’est le cas également pour nous entraîneurs. Dans l’inaction, plein de choses se produisent dans notre gestion des émotions, du stress. C’est quelque chose qui me passionne.

Quel type de suivi mettez-vous en place ?

Je donne des exercices à ceux que je vois en séance individuelle. Je leur demande régulièrement où ils en sont dans leurs devoirs, s’ils arrivent à les mettre en place, quelles sont leurs difficultés, pour que je puisse les aider à réussir à mieux gérer leurs exercices. En général, un point est fait toutes les trois ou quatre semaines. L’idée, c’est que plus on avance, plus je les laisse autonomes. Ça n’empêche pas de faire des rappels, et quand je vois qu’un exercice est maîtrisé, je suggère d’ajouter quelque chose ou invite à travailler tel point pour aider à une meilleure concentration ou résoudre telle ou telle problématique. L’important, c’est qu’ils trouvent leur manière de faire et que ce ne soit pas quelqu’un d’extérieur qui leur dise quoi faire et comment. Chacun a sa manière de se concentrer, de se motiver. À l’athlète de trouver ce qui sera efficace pour lui.

Quels effets recherche-t-on quand on a recours à l’hypnose ?

Tout dépend de la problématique. Si on veut travailler sur une blessure, on va axer sur la régénération, faire en sorte que le corps se mobilise à un endroit précis pour accélérer la cicatrisation. Si on est sur de la récupération, on va se concentrer sur de la détente, de la relaxation… On peut travailler sur un blocage par rapport à une compétition, un adversaire… Cela dépend vraiment de l’individu, de ce qu’il veut faire, de comment il veut l’utiliser, de sa problématique s’il en a une.

L’hypnose peut-elle servir également à ancrer un travail technique ?

Je l’utilise souvent avec l’imagerie mentale, bien qu’elle ne nécessite pas forcément d’être en état d’hypnose. C’est un atout supplémentaire. Les études scientifiques ont démontré que le cerveau ne fait pas la différence entre l’imaginaire et le réel. Donc tout ce qu’on va imaginer, en voyant les images, mais aussi en ressentant les choses et les émotions associées, aura le même effet sur le cerveau. Il y a tout à gagner à investir ce champ en hypnose, dans le cadre d’un retour de blessure par exemple, pour que les sensations reviennent plus vite. Il y aura moins de risques de rechute aussi parce qu’on a ressenti les choses, que le muscle, sans bouger, s’est déjà mis en mouvement. C’est du temps de gagner. Cela participe à un échauffement mental. Puis, pour les sportifs, c’est assez simple d’imaginer les choses, parce qu’on le fait inconsciemment. On s’imagine souvent en train de faire, on se voit gagner ou perdre. Il y a cette capacité à se représenter les choses plus « facilement ».

J’ai d’ailleurs récemment développé un protocole en lien avec l’imagerie mentale pour répondre à un besoin d’un athlète en particulier qui était souvent blessé, en lien aussi avec le Covid et le fait qu’on ne pouvait pas s’entraîner ensemble. Ce protocole combine l’hypnose et l’imagerie mentale, et utilise une technique de l’hypnose qui s’appelle le fractionnement. Cela correspond à des allers-retours entre entrer en état d’hypnose, en sortir, y entrer de nouveau, en ressortir. Cela permet d’avoir une transe un peu plus profonde et des sensations qui sont encore plus développées sur le plan kinesthésique. C’est en tout cas c’est ce que j’ai ressenti, et ce que les athlètes ont ressenti aussi. J’ai trouvé ça vraiment très intéressant. Souvent, dans le travail d’imagerie et dans le travail d’hypnose, on est centré sur sa personne, sur ses sensations, sur la manière dont on peut faire différemment, changer de comportement. Je me suis amusé, parce que c’est vraiment un jeu en fin de compte, à mettre l’athlète dans une position où il se mettait à la place de l’adversaire. Souvent dans le combat, on est centré sur ses sensations, des sensations qui ne sont parfois pas du tout justes. Si on prenait un athlète qui sort d’un combat et qu’on lui demandait de décrire ses sensations durant le combat en lui montrant la vidéo, dans la plupart des cas, il dirait : « Ce n’est pas du tout ce que j’ai ressenti. » Parfois, l’athlète se met vraiment en dessous de son adversaire ou a une sensation particulière, difficile. Il va alors laisser l’adversaire prendre le dessus. Avec ce travail d’hypnose et de fractionnement, l’objectif était donc de mettre l’athlète dans la position de son adversaire, pour qu’il se rende compte que pour l’adversaire c’était très compliqué quand il faisait tel mouvement, tel travail de garde. C’était vraiment très intéressant. Plusieurs préparateurs mentaux m’ont d’ailleurs contacté suite à la présentation de ce travail lors de la conférence sur la préparation mentale, pour me dire qu’ils n’avaient jamais vu ce travail sous cet angle.

Témoignage et échanges

Christophe Massina a participé à une table ronde dans le cadre de la conférence internationale sur la préparation mentale organisée par le réseau grand INSEP les 25 et 26 novembre 2021. Il y a présenté sa pratique de l’hypnose en lien avec la gestion de l’incertitude. Ce moment a été l’occasion d’un échange avec Axel Clerget, qui a partagé son expérience de l’hypnose en tant qu’athlète. Voir : https://youtu.be/sSYIx8i0Dzo

L’objectif est donc d’avoir des sensations plus justes pendant le combat ?

L’objectif est surtout de rester dans le moment présent, sans chercher à analyser avec son ressenti, de laisser l’intelligence du corps faire à sa place. Je ne sais pas s’il est possible d’avoir des sensations justes, parce qu’on est lié à notre histoire, à toutes nos expériences, notamment tous les combats qu’on peut faire en judo. Je dirais donc plutôt que l’objectif est : « Tu sens ça, tu le fais. » C’est vraiment le moment juste, ce qu’on décrit dans l’état de flow, mais sans le chercher, parce que la plupart du temps, quand on le cherche, on ne le trouve pas. Il s’agit de rester dans le moment présent, de faire confiance à son corps. Ce n’est pas parce qu’on a l’impression d’être en difficulté qu’on l’est réellement. Il y a donc un ensemble de choses qui sont difficiles à expliquer. Peut-être que cela parle davantage à ceux qui pratiquent des sports de combat, en tout cas des sports de préemption où on est vraiment très collés. Parfois, on a vraiment l’impression de ne pas être bien, mais on est centré sur nous et on n’imagine pas une seconde que l’autre est encore moins bien que nous. Prendre conscience de cela est important et c’est quelque chose sur lequel j’insiste beaucoup dans l’entraînement. C’est le rôle de l’hypnose de faire ce travail avant pour que ce soit présent inconsciemment. Je l’ai déjà fait avant, je peux donc laisser faire les choses. C’est le but de l’imagerie mentale également de se mettre en condition.

Comment procédez-vous pour l’imagerie mentale ?

Je dirais que je guide l’athlète dans son imagerie, parce que je suis incapable de dire ce qu’il est en train d’imaginer. Je ne vais donc surtout pas interférer dans son imaginaire, je reste très large, très vague, pour que ce soit l’athlète qui dirige. Je suis juste là pour amener un peu plus en état d’hypnose, amener plus profondément, faire ressortir. Je dirige l’échange, mais c’est l’athlète qui gère l’intérieur. Je le laisse complètement autonome dans sa manière de voir. Je guide les orientations de vision qu’il peut avoir, en lui demandant de prendre le sentiment de l’adversaire. Cela ne se fait pas brusquement. Petit à petit, je le fais observer de l’extérieur, je lui fais prendre peut-être le point de vue d’une caméra qui est à l’extérieur du combat, et progressivement je me rapproche de l’adversaire et là : « À ton avis qu’est-ce que l’adversaire voit ? Qu’est-ce qu’il ressent ? » Cela se fait donc de manière subtile. Je le guide à ressentir les choses de la manière la plus simple possible, mais cela prend un peu de temps.

Comment avez-vous découvert la technique de fractionnement ?

En formation. C’est une technique qui est assez utilisée dans l’hypnose, notamment pour aller chercher la transe profonde sur des problématiques lourdes comme le deuil. C’est une technique qui a aussi le mérite de mettre du rythme. Quand on rentre en état d’hypnose, ce n’est jamais linéaire, il y a des moments où c’est oscillant. C’est donc intéressant pour les sportifs qui sont toujours dans la recherche d’aller vite. Créer un changement de rythme les motive, ça rend la technique plus attrayante. Quelquefois, et c’est aussi le but de cette technique, ça amène de la frustration. On commence à entrer en état d’hypnose et on nous demande de sortir alors qu’on commençait à être bien. Cela donne envie d’y retourner, plus profondément, plus rapidement.

Comment avez-vous utilisé l’hypnose pendant les Jeux olympiques de Tokyo ?

Sur l’année olympique, je l’ai pas mal utilisé avec le confinement, notamment avec Axel Clerget, dans la gestion des blessures, dans la régénération, dans l’imagerie mentale. J’ai pu utiliser à fond cet outil, parce qu’Axel a eu plein de problématiques dans la préparation des JO qui m’ont permis de l’aider pour qu’il se prépare de la meilleure des manières. Pendant la compétition, je l’ai davantage utilisé sur moi, en me préparant avec l’autohypnose pour rester calme, ancré dans ma vision et dans ma manière d’accompagner l’athlète. À mon sens, c’est quelque chose d’important et je pense que les athlètes l’ont certainement ressenti. J’étais peut-être même trop calme à certains moments. Axel ne me l’a pas dit comme cela, mais c’est ce que j’ai interprété dans sa manière de me dire les choses. Lors d’un combat vraiment clé, j’ai été peut-être trop calme et ce n’était peut-être pas ce dont il avait besoin, ce que je suis en capacité d’entendre. C’est aussi ça être entraîneur, être capable d’entendre comment on aurait pu agir autrement. Je l’ai utilisé beaucoup dans ma communication, dans les entre-matchs, notamment par rapport aux équipes, où il y a eu des problématiques d’émotion, par exemple avec Guillaume Chaine, qui avait une émotion très forte, à la fois de peur et de joie. L’hypnose me permet de me positionner par rapport à ça, d’absorber aussi ce qu’il y a besoin d’absorber. À l’inverse, Axel était vraiment dans une émotion de peur de ne pas répondre à l’événement par rapport à ses copains. Cela m’a permis de prendre du recul tout de suite et de recadrer, de dire : « Tu n’es pas là que pour tes copains, tu es aussi là pour toi. Tes copains, on verra ça après. Tu es là pour toi, pour gagner un match. Le but est que tu te fasses plaisir toi. » L’hypnose me permet à ce moment-là de faire des allers-retours entre être proche et prendre du recul. C’est en ça que ça me semble très intéressant. Cela me permet de tout de suite m’extirper de mon émotion, mais en même temps d’y revenir pour l’utiliser et pouvoir ainsi me rapprocher de l’athlète.

La compétition par équipe était quelque chose de spécial, pour la première fois aux JO.

Une compétition par équipe est toujours quelque chose de spécial. Il y a d’ailleurs des athlètes qui se transcendent et pour d’autres, on a l’effet inverse, le fait de faire perdre un point à l’équipe peut les bloquer. C’est le cas d’Axel. Après son premier combat contre Israël où il perd, il y a quelque chose qui se joue dans la salle d’échauffement. Ce n’est pas facile à gérer. Je l’avais un peu anticipé mais gérer cette situation, ça a été quelque chose de l’instant. Je crois que personne ne s’attendait à ce que nous gagnions. Moi je leur en ai parlé pendant cinq ans aux garçons. Et puis le travail a porté ses fruits. Depuis le début, ils me disent : « Tu nous bassines avec tes équipes. » Mais je leur ai toujours dit : « Vous ne vous rendez pas compte que c’est un titre olympique que vous allez jouer. Ce n’est pas une médaille par équipe, vous allez être champions olympiques, prenez bien conscience de cela. » Je considère que cette médaille est importante, elle représente vraiment l’équipe de France. Elle a une autre valeur parce qu’elle représente encore plus la nation, mais surtout le travail collectif et le travail de l’équipe. Ce n’est pas juste une somme d’individus, sinon le Japon aurait été champion olympique. Le Japon a fait 9 titres sur 14 possibles. Cela signifie qu’il y a vraiment quelque chose qui se passe en équipe, un vrai travail collectif. De leur côté, il y a aussi quelque chose qui s’est passé et qui a abouti à des défaites inattendues, notamment chez les féminines. C’est ça les équipes, on peut créer la surprise par le travail collectif, par l’ambiance, l’abnégation, tout et son contraire en fin de compte. C’est ce que je trouve passionnant dans cette compétition.

L’entraîneur, le sélectionneur et l’environnement sportif

Vous avez changé de poste récemment. Qu’est-ce que cela va changer par rapport à votre pratique de l’hypnose ?

Ce n’est pas parce que je suis sélectionneur que je change, mais cela crée un changement de posture relationnelle. Je n’ai pas le sentiment de changer dans ma façon de faire, et quand je mets la casquette de sélectionneur, une forme de séparation se fait. Comme je l’ai souvent dit aux athlètes, je suis en quelque sorte schizophrène. Je suis entraîneur, ou responsable ou manager, et à un moment donné, je passe sélectionneur, et c’est comme si je n’avais jamais vécu ma vie d’entraîneur ou de manager. Je crois que c’est aussi ce qui rassure les athlètes. Elles savent que ce n’est pas parce que je n’entraîne pas une athlète au quotidien que je ne suis pas capable de la sélectionner, et inversement. Pour moi c’est le plus dur. Je comprends que ce ne soit pas facile pour les athlètes de s’engager dans une relation liée aux aspects mentaux, qui demande un engagement fort, par rapport au fait que je peux les sélectionner ou non ensuite. En termes d’éthique professionnelle, je ne prendrai jamais ce que je peux entendre dans une séance en préparation mentale ou en hypnose pour décider si je sélectionne ou non. D’un autre côté, je peux comprendre qu’on puisse se dire que c’est le cas. Je ne suis pas une machine, je suis un homme, et peut-être qu’inconsciemment j’en tiendrai compte, mais ce n’est pas du tout ma façon de voir les choses. Mais ça ne change rien dans ma manière de l’utiliser pour entraîner, manager ou saisir les différences de personnalité.

Est-ce que vous avez ressenti une différence entre hommes et femmes dans la pratique de l’hypnose ?

Pas du tout. Dans l’inconscient collectif, je l’ai entendu des milliers de fois, entraîner les femmes, ça doit être vraiment différent, plus compliqué. En provoquant un peu, je dis souvent qu’entraîner les hommes, c’est plus dur. Et je ne suis pas loin de le penser. Concrètement, pour moi, il n’y a pas de différence dans l’entraînement ni dans l’hypnose. Ce qui fait la différence, ce sont en fin de compte les individus. Ce que je peux dire, c’est que quand je suis arrivé chez les masculins, dans une posture que j’avais déjà chez les féminines, forcément ça n’a pas fonctionné. La posture que j’avais en 2016 venait de treize ans de travail. Eux, je ne les connaissais pas. Plus on avançait dans l’olympiade, plus j’ai apprécié ce travail avec les masculins, travailler différemment selon les individus. Avec le recul, je me suis dit que j’avais été bête. Il faut en réalité s’apprivoiser. C’était une manière de me mettre en confiance.

Quels champs voulez-vous encore investir ?

Nous aimerions savoir quel impact a l’hypnose sur les aspects lactiques dans la performance. Comment peut-elle intervenir sur ce point ? J’ai quelques athlètes qui s’en servent pour mieux gérer la douleur ou la sensation de fatigue entre les combats par exemple. Avec succès. Nous savons que l’hypnose fonctionne quand on voit qu’il y a de plus en plus d’opérations faites sous hypnose. Les neurosciences vont dans le sens du travail hypnotique en montrant dans les imageries médicales, ce qu’il se passe vraiment dans le cerveau pendant les états de conscience modifiés. Cela permet de sortir de l’image de magie noire, de l’hypnotiseur qui va te faire faire n’importe quoi, en passant à une validation scientifique sur ces phénomènes. On est en train d’aller vers quelque chose qui apporte des preuves au travail d’état de conscience modifié, pas seulement l’hypnose. Ces techniques ont un réel impact sur les cerveaux, les apprentissages, les manières de se comporter.

Sentez-vous un intérêt de vos collègues ou d’autres sports pour ce que vous faites ?

Au début, ce n’est pas que je n’étais pas pris au sérieux, mais ça les a interpellés que je fasse ça. Certains ont souri. Comme pour les athlètes, je n’ai pas cherché à les convaincre. Mon but était d’être meilleur dans mon travail. Et petit à petit, ils se sont rendu compte de ce que cela pouvait apporter. Puis, un des responsables du judo a rencontré une ancienne amie qui faisait de l’hypnose. Il lui a demandé d’intervenir devant les collègues entraîneurs pour expliquer ce que cela pouvait apporter. Étant médecin, elle a apporté des connaissances scientifiques, loin de l’image des spectacles de Messmer. Surtout, ils ont pu tester ce qu’était un état d’hypnose. Cela leur a permis de comprendre ce que je faisais. Cela a amené beaucoup de questions et j’accompagne des collègues pour les aider à se former à l’autohypnose. Suite à mon intervention lors de la conférence sur la préparation mentale, il y a également eu pas mal d’échanges, aussi bien avec des athlètes qu’avec des entraîneurs. Plusieurs disciplines m’ont contacté. C’est surtout dans la relation entraîneur-entraîné que la question se pose, dans certains sports collectifs, également dans des sports « duel », dans les sports de combat, un peu comme le judo.

Que répondez-vous aux sceptiques ?

On ne changera pas les sceptiques. Ce n’est pas la peine de perdre de l’énergie à les convaincre. Faisons avancer les curieux. Ce n’est pas parce que j’y trouve un intérêt que tous le devraient aussi.

Quels conseils donneriez-vous à des entraîneurs intéressés par l’hypnose ?

Pour ceux qui ont envie de découvrir cet outil, qu’ils fassent attention où ils vont se former. Pour moi, la priorité reste l’expérience, la pratique, donc les formations en ligne, non. D’autant plus pour une formation basée sur le relationnel. Je dirais à mes collègues, soyez curieux, parce qu’il y a beaucoup de choses à prendre dans et en dehors de l’hypnose, dans la communication, auxquelles on ne fait pas attention, mais qui sont essentielles dans notre manière d’entraîner : la compréhension des émotions, la manière de suggérer, de donner un conseil, de débriefer… Et notre métier, c’est 90 % de communication, qu’elle soit verbale ou non. Le simple fait d’avoir la démarche de se dire : « Si je change cette manière de communiquer, qu’est-ce que ça apporterait ? », c’est un premier pas. L’autre conseil que je donnerais, ce serait de ne pas avoir peur. J’ajouterais, ne mettez pas tous vos œufs dans le même panier. Un entraîneur vient en effet avec son bagage et ce n’est pas parce qu’il a trouvé un autre bagage qu’il va laisser le sien sur place. Il faut réussir à combiner les deux, à voir comment cela est possible. C’est peut-être ce qui va faire la différence entre un bon entraîneur et un entraîneur lambda, c’est celui qui va tout le temps améliorer son bagage, apporter de l’expertise et des choses qui vont lui permettre de s’améliorer.