Laurent Tillie : « Pour faire un résultat, il fallait être habitué à faire des résultats »

Propos recueillis par David Lortholary le 23 mars 2022

Laurent Tillie, ancien entraîneur de l’équipe de France de volley-ball masculin, médaille d’or à Tokyo, nous partage une partie du chemin qui a conduit à ce résultat. Entretien d’une grande sincérité, Laurent fait part de certaines de ses convictions et de ses décisions dans des moments cruciaux.

Laurent, quelle synthèse faites-vous de vos Jeux olympiques 2021 ?

C’est un résultat extraordinaire. La concurrence était rude. Nous sommes passés par des états d’âme incroyables. Ce qui a déterminé notre réussite, c’est vraiment la persévérance et la notion d’équipe. La réussite de cette équipe, dans la tourmente, c’est cette persévérance et de la bienveillance, au-delà des qualités techniques, physiques et autres. C’est un point très important, sur lequel nous avons beaucoup travaillé et auquel nous avons fait très attention. C’est ce qui a permis à l’équipe de rebondir quand nous étions pratiquement morts. Les joueurs se sont pris en main, se sont pris en charge eux-mêmes. Ceux qui avaient participé aux premiers Jeux olympiques de cette équipe, à Rio en 2016, ont encadré les joueurs, l’équipe, et les ont amenés vers le Saint-Graal. C’était vraiment important.

En quoi cette performance et ce résultat ont-ils été différents d’autres réussites ?

J’ai toujours été persuadé que, pour faire un résultat, il fallait être habitué à faire des résultats. Ce qui ne m’intéressait donc pas – je l’ai dit dès la première réunion avec l’équipe –, c’était de faire un coup et de repartir dans l’anonymat, faire un autre coup et repartir dans l’anonymat. Le but des neuf dernières années a vraiment été d’inscrire l’équipe dans la régularité et dans la progression. Éviter les à-coups. L’objectif était donc que, chaque année, nous fassions des podiums sur toutes les compétitions internationales – deux ou trois par an. Pour arriver à un résultat aussi extraordinaire que gagner les Jeux, avec tout le stress autour de cette compétition à part, il fallait que l’équipe ait de l’expérience, de la bouteille, qu’elle soit habituée à ce genre de compétitions. Je suis persuadé que ce résultat extraordinaire – c’est la première fois que nous décrochions une médaille aux Jeux olympiques, et en plus en or – est la résultante de tous ceux que nous avons faits auparavant. Notre qualification pour les Jeux a été extraordinaire ; la médaille d’or aux championnats d’Europe 2015 ou les deux médailles d’or à la Ligue mondiale ont aussi été des résultats extraordinaires. Et l’on s’aperçoit que pour réussir, même s’il y a toujours une part de chance, il faut de la persévérance et que tout s’aligne – joueurs, équipe, staff. Nous sommes une équipe avec zéro marge – pas plus physique que les autres, pas plus technique que les autres, pas plus forte mentalement que les autres – mais nous avons cette solidité collective et technique qui nous a permis d’aller aussi loin. C’est un résultat extraordinaire, oui, mais qui valide le travail et les résultats enregistrés auparavant. En 2012, quand j’ai pris l’équipe, le discours était le suivant : faire des médailles sur les compétitions internationales, chercher l’excellence, travailler, s’entraîner plus, gagner plus de matchs, etc. C’est sûr que ce que nous avons fait ressemble à un coup : nous avons une médaille d’or olympique et c’est la première. Mais dans le contexte très concurrentiel du volley, nous avions quand même décroché des médailles d’or auparavant. Sur les moments chauds des matchs couperets, comme le quart de finale face à la Pologne, la demi-finale et la finale, nous avons montré presque plus d’expérience et de solidité mentale que les autres équipes.

Avez-vous été surpris par la performance produite par l’équipe ?

Ce qui m’a surpris, c’est d’éliminer la Pologne, double championne du monde, qui était archi-favorite. De maîtriser totalement la demie contre l’Argentine, qui avait étonné tout le monde et qui nous avait battus en poules. Et de rebattre les Russes en finale sur un match où, au départ, nous ne sommes pas favoris parce qu’ils sont physiquement plus forts, qu’ils avaient tout gagné, qu’ils étaient sortis premiers de la poule… Nous, nous sommes restés dans ce que nous savions faire. Nous n’avons pas cherché à surjouer, nous avons vraiment joué à notre niveau. Ce qui nous a complètement libérés et nous a permis d’étouffer nos adversaires et de mettre la pression sur eux à partir des matchs couperets. Là, oui, j’ai été bluffé par le niveau technique et physique de l’équipe. Je me suis permis de revisionner les matchs que nous avions joués…

Avez-vous établi un lien, même inconscient, avec une expérience déjà vécue, ou bien ce tournoi était-il définitivement à part ?

Il était à part parce que ce sont les Jeux, il était à part parce qu’il y avait beaucoup, beaucoup, beaucoup de pression, il était à part parce qu’il y avait la pandémie, il était à part parce que c’était une sorte de fin de cycle pour le staff… Gagner une médaille aux Jeux est sans commune mesure avec être champion d’Europe. Par contre, dans la démarche et le déroulement de la compétition, j’ai l’impression que nous avons revécu notre titre de champions d’Europe, en 2015. Nous n’avions perdu aucun match, invaincus sur la compétition. La même année, nous gagnions notre premier titre avec la Ligue mondiale deuxième niveau puis enchaînions, la semaine suivante, en gagnant la Ligue mondiale première division. Sur la saison, nous avions perdu trois matchs sur une cinquantaine. Ça nous est déjà arrivé, ces compétitions où l’on est dans le « flow ». À jouer instinctivement, à jouer sans réfléchir, à jouer juste, avec la bonne intensité, la bonne agressivité, le bon relâchement, etc. C’est pour cela que je pense que ce titre a quand même été le terme de la construction de huit ans de travail.

En 2021, ou même en amont depuis Rio 2016, avez-vous fait quelque chose d’inhabituel ?

On n’aime pas trop innover, sur une olympiade, juste au dernier moment. Ça fait coup de poker. J’aime penser que ce que nous avons fait a été construit. Ce qui est vrai, c’est que de 2012 à 2016, c’était très directif, tandis que de 2016 à 2021, c’était plutôt co-construit avec les joueurs. Il y a eu plus de discussions avec eux, plus de compromis, quitte parfois à reprendre les rênes, à recadrer, à être beaucoup plus stricts et exigeants. Nous avons eu un peu plus de difficultés à nous faire entendre en tant que staff, en tant qu’entraîneur, parce que les joueurs avaient une certaine notoriété, un certain niveau. De ce point de vue, c’était un peu plus compliqué mais, en général, ça se passait relativement bien. La grande particularité, c’est que nous avons très peu débriefé Rio. J’ai attendu le premier jour de stage au complet, en 2021, pour le faire, pour que ce soit frais, percutant et utile. Débriefer Rio après Rio n’avait aucun sens. Si vous aviez vu la frustration des joueurs, du staff, de tout le monde… Nous n’avions surtout pas envie d’en parler ! Moi qui, en règle générale, débriefe après les matchs ou après les saisons, j’ai laissé tomber en me disant : « On le fera plus tard. » Nous l’avons donc fait en 2021, trois ou quatre mois avant les Jeux. Et le débriefing a été fait non pas par moi mais par les six joueurs qui étaient à Rio. Ils ont fait ce débriefing pour l’intégralité du groupe, d’une telle qualité et d’un tel niveau de pertinence que cela a, je pense, cadré et montré la voie. L’avoir fait à ce moment-là nous a énormément fait gagner en sérénité, en autonomie sur la compétition des Jeux, qui est vraiment particulière avec le village et tout ce qu’il y a autour. Ç’a été, je pense, un point clé.

Participer à la Ligue mondiale a-t-il été, dans la perspective de ces Jeux, une décision compliquée à prendre ?

C’est effectivement une compétition très lourde, étalée sur sept semaines. Ensuite, nous avions environ cinq semaines avant les Jeux. Beaucoup de joueurs et de têtes pensantes estimaient qu’il ne fallait pas participer à cette compétition, qu’elle ne servait à rien, que ça allait les épuiser… Nous avons pris le parti de jouer cette compétition à fond, de l’utiliser comme stage de préparation, de donner un maximum de repos aux joueurs en amont – quinze jours à trois semaines, ce qui arrive rarement – pour ensuite enchaîner sept semaines de stage en ne donnant qu’une journée de repos total aux joueurs. Nous étions en bulle à cause de la pandémie, nous n’avions pas le droit de sortir. S’entraîner, jouer, s’entraîner plutôt que de se faire ch… à l’hôtel. Il y a donc eu une grosse phase de travail, de préparation et de matchs et je pense que c’est la meilleure préparation que nous avons pu faire avant une compétition. Sur ce, nous avons donné une semaine de repos complet aux joueurs en leur disant de surtout faire attention au virus. Je n’ai absolument pas voulu contrôler – ce qui n’a de toute façon jamais été ma tasse de thé –, j’ai laissé une liberté totale. Et comme nous avions tout de même peur du virus, nous sommes partis au Japon trois semaines avant le premier match. Nous sommes partis quinze jours en stage, sur l’île d’Okinawa. Ça nous a permis d’avoir une zone-tampon en cas de Covid, ainsi qu’une grosse zone de travail. Ensuite, nous sommes partis une semaine dans le village, à Tokyo, puis nous avons commencé la compétition. Je pense que ç’a été une très, très bonne préparation.

Quelle est votre part dans la performance ?

La partie bienveillante, essentielle, n’est venue qu’en deuxième cycle, c’est-à-dire de Rio à Tokyo. Elle était beaucoup moins importante au départ, de 2012 à 2016. Elle a été le fruit, beaucoup, beaucoup, beaucoup, de mon staff. Parce qu’avec moi, entraîneur, sélectionneur, faisant tous les choix, une certaine distance s’installe. Une certaine méfiance. Et j’ai du mal à bien communiquer. Mon staff le fait beaucoup mieux que moi (il sourit). Mon manager, mes adjoints, le staff médical s’en sont très bien servi. Nous avons beaucoup travaillé certains aspects techniques, surtout le service et la réception. C’est ma philosophie de jeu : on ne peut pas jouer si l’on n’a pas cette base-là. Nous avons cherché aussi à valoriser les points forts naturels de l’équipe, défense et jeu rapide, car nous avions un passeur, Benjamin Toniutti, très fort, avec Antoine Brizard qui s’est intégré et a pris le relais. Et nous avons utilisé nos défauts – notre petite taille au block – comme des points forts. Pas bons au block ? OK, alors limitons les dégâts. Soyons propres et travaillons la défense. Il y a une certaine technique, une certaine tactique, à élaborer.

Ce qui était important aussi, c’est de renouveler des joueurs…

Entre 2012 et 2016, plus de 50 % de l’équipe a changé ; entre Rio et 2021, 50 %. Beaucoup de renouveau, et j’en suis assez fier parce que, maintenant, l’équipe est lancée sur 2024. Après, l’aspect mental est important. Mes exigences concernent surtout l’attitude et le comportement sur le terrain. À travers eux, le joueur peut influencer son mental. Et derrière, toute l’équipe suit et se développe. Mais ça demande du temps ! Ce n’est pas quelque chose qu’on décrète. Ça demande beaucoup de travail. Quand on travaille les gestes techniques, on le fait de façon individuelle ou collective, ça demande de la coordination, des habiletés, un support physique bien sûr, tactique aussi – choisir le bon geste – mais ce qui m’intéresse, c’est de le faire sous pression ou en essayant, en tout cas, d’y incorporer l’aspect mental, en entraînement ou en match. Ça demande de la patience, aussi : ce n’est pas linéaire. Nous avons beaucoup travaillé là-dessus mais en gardant joie de jouer et joie d’être. S’il n’y a pas un certain plaisir, il y a lassitude, il y a abandon et surtout, dès qu’il y a un petit problème, le groupe explose. Nous avons traversé des problèmes et des contre-performances depuis 2012, mais l’équipe a toujours su rebondir et repartir. Signe d’une vie saine et d’un groupe sain.

Avez-vous, sur ces Jeux, retenu des éléments marquants, des tournants ?

Il y a eu plusieurs moments décisifs. La première chose, c’était de la méfiance sur la préparation. Il a fallu convaincre et expliquer. Un premier travail. Puis il a fallu être rigide, strict, et laisser un peu de mou. Tout cela dans la préparation. Ç’a été validé, ça s’est très bien passé, avec en plus la médaille de bronze gagnée à la Ligue mondiale. Arrive la préparation ultime : les quinze jours à Okinawa. Grosse préparation. Les joueurs adhèrent. Arrivent en forme. Dernier jour de l’entraînement : extraordinaire. On part alors pour le village, et nous avons là une semaine de tampon. Nous avions déjà digéré le décalage mais c’est là qu’arrive le deuxième point important : cette période, que j’ai appelée « la période grise ». Les joueurs sont hyper performants mais se disent fatigués, se demandent où est la forme… C’est une période de doutes et de crise : « Il ne faut surtout pas recommencer comme à Rio en 2016 », « Il faut bien commencer le match », « Il ne faut pas s’éparpiller », « On ne fait pas assez de vidéo », « On ne fait pas assez d’entraînement »… Et là, on a beau les raisonner, leur expliquer, ils ne veulent plus s’entraîner parce qu’ils ont peur de se blesser. C’est la crise d’angoisse totale, collective, communicative, difficile à gérer. Moi, je suis entraîneur d’un sport collectif, ce qui est complètement différent d’un entraîneur d’équipe nationale de sport individuel. L’euphorie ou le doute sont exponentiels, difficiles à raisonner. On gère un groupe, et ça prend de multiples formes. Cette « période grise » a été assez compliquée mais nous avons essayé de la maîtriser le mieux possible. Le troisième moment clé, c’est le premier match, contre les États-Unis, où nous prenons 3-0. Et là… (il fait le signe de cogiter). C’est comme le 3-0 que nous avions pris à Rio, contre l’Italie, qui nous avait sortis des Jeux. Ça commence à cogiter. Et là, ce que je fais très rarement, j’ai fait un débriefing assez virulent juste après le match dans le vestiaire. Expliquant que si nous voulions une médaille, il fallait nous bouger les fesses. Qu’il y avait un décalage entre le niveau auquel nous rêvions et la réalité. Qu’il fallait accepter cette différence. Je trouvais qu’il y avait de plus en plus de difficultés à faire passer les messages, à ce que les joueurs écoutent sur le terrain… Ç’a été assez chaud. Ce sont les joueurs qui m’ont calmé. Mais rétrospectivement, ç’a été important parce que ça a recalé certains joueurs. De là, nous gagnons notre deuxième match et perdons le troisième, contre l’Argentine. C’est le quatrième moment clé. Nous sommes très atteints. Rien que d’y repenser, je suis tout retourné. On en était malades. (Il insiste) On en était malades ! C’était un investissement de cinq ans, nous avions démontré que nous pouvions être bons, nous avions fait une superbe préparation… Mais nous étions en plein doute et nous ne voyions pas comment nous allions nous en sortir parce qu’il fallait encore jouer le Brésil et la Russie, qui étaient les deux favoris des Jeux avec la Pologne. Là, contrairement au premier match, je n’ai pas fait de débriefing. Je me suis dit : « Ça sert à quoi… on est tellement… » C’est cette situation où vous êtes pratiquement mort alors que vous avez tout fait pour réussir. Vous n’y arrivez pas : ça ne sert à rien de faire un débriefing. J’ai donc choisi cette option, laisser partir les joueurs. « On se verra demain matin, après la nuit, si vous arrivez à dormir… »

Qu’ils digèrent…

Voilà, et moi y compris ! Nous étions dans le trou total. Au fond, fond, fond, fond, fond. Et c’est étrange : le lendemain, une sérénité incroyable. Une sérénité qu’on ressent. « On est mort, on est mort… On va jouer. On va jouer et on verra ce qui arrivera… Il nous reste deux matchs… » Ça paraît stupide de dire cela comme ça, mais c’est quelque chose qui se dit avec les tripes et on sent une force revenir, sans qu’on se soit parlé. C’est pour ça que le débriefing des Jeux (précédents) le premier jour du stage a marché : ce sont les joueurs qui se sont réunis toute la nuit à discuter entre eux, à se réconforter de manière, intime, interne, beaucoup plus forte qu’un réconfort du staff. C’est cette autonomie, que nous avons réussi à cultiver, qui fait qu’ils se prennent en charge. Sincèrement, à partir de ce jour-là, il y a eu une sérénité incroyable. Un détachement par rapport au résultat, à la pression que nous avions – que nous nous étions mise ou que les gens nous avaient mise, parce que nous faisions partie des favoris. En France, dès qu’on participe à une compétition, on est favori… Les joueurs s’étaient eux-mêmes mis la pression. Mais à partir de ce moment-là, nous avons toujours joué les matchs sans penser au résultat ou à la médaille. Nous avons joué pour jouer, point après point. Survivre un point, un deuxième, un set, un match. Et ç’a été du bonheur parce qu’il y a eu une certaine lucidité, une certaine tranquillité. Nous avons eu un peu de chance aussi : nous avons joué les Russes qui, déjà qualifiés, nous ont abordés un peu plus tranquillement. Les Brésiliens étaient déjà qualifiés aussi mais voulaient à tout prix finir premiers ; ils nous ont battus mais, en gagnant deux sets, nous passions. Et ensuite, nous avons été des survivants, survivants, survivants. Nous avons joué comme des survivants sur les deux derniers matchs de poule et, ensuite, nous avons commencé les matchs couperets. Le fait de jouer de tels matchs contre des équipes hyper favorites alors que nous, nous n’étions plus rien, a énormément équilibré la balance mentale. Dès lors, nous avons joué sur notre niveau technique. En réception, en défense, en passe, en attaque, au service. Sur ces matchs-là, contre les grosses équipes, nous avons produit de très, très bonnes performances techniques. En quart, nous battons la Pologne qui était archi, archi-favorite avec ses monstres d’attaque, de physique, de service et de block. Je disais plus haut que nous étions mauvais au block : contre les Polonais, on termine à 15 blocks ! Notre record ! Comme quoi… Ce match, on ne prend que deux aces alors que c’est une équipe qui en réussit six à huit par match. Nous avons très, très bien réceptionné et je pense que c’est ce qui a renversé la pression et l’a mise sur eux à un moment parce qu’ils n’arrivaient pas à marquer leurs points habituels. En finale, nous gagnons 3-2 mais en attaque c’est à peu près pareil, nous faisons le même nombre de blocks que les Russes, mais nous réussissons huit ou neuf aces alors que les Russes n’en font que deux. Le principe de travail depuis neuf ans – service, réception – a donc payé sur le quart et la finale. Quant au match contre l’Argentine, en demi-finale, c’est, je crois, le plus abouti de l’équipe de France tactiquement. Nous avons étouffé les Argentins dans ce domaine. Derrière, les Russes… une finale sans qu’on pense à la finale… fantastique (il rit).

Ça ressemble à un scénario de film…

Exactement ! Et notre qualification pour les Jeux, le TQO, en janvier 2020, avait été rocambolesque ! Un roman de film (sic) ! Nous n’avions que des blessés, nous avons battu les champions d’Europe, les vice-champions d’Europe, les champions du monde… Nous avons été vraiment miraculés ! Miraculés ! Nous sommes deux fois miraculés pour décrocher cette médaille d’or olympique.

À quoi parvenez-vous à détecter qu’une performance peut se produire ?

(Il réfléchit) Je vous ai dit que j’étais paranoïaque. J’ai trop perdu de matchs où l’on se sent tellement bien… et on perd. Où l’on joue tellement bien… et on perd. Où l’on joue tellement mal… et on gagne. Où l’on est dans les choux au départ… et on gagne quand même. Pour moi, la seule continuité à avoir, c’est vraiment de garder la concentration et le « flow ». J’essaie de construire même mes entraînements pour que les joueurs trouvent ce feeling, cette fluidité dans le jeu, en essayant de ne pas trop hacher les entraînements, de ne pas trop intervenir. Il faut appréhender la situation et la vivre. Sur les matchs, pffff… Il y a tellement de bons exemples et de contre-exemples que je n’ai pas de certitude. Je peux vous dire « là, on est en forme, on est bien… » mais je ne sais pas quel sera le résultat. En revanche, après coup, je peux vous dire quand on a perdu ou gagné le match. Quel est le point qui l’a fait basculer. C’est un ballon ! Ou deux ballons ! Notre finale olympique bascule parce qu’un Russe, alors qu’ils nous dominent, archi-dominent, fait une faute de pied. Le match bascule à cause de ça ! Alors qu’ils archi-dominaient ! C’est monstrueux. Le volley, c’est un échiquier avec des évolutions exponentielles dans un sens ou dans l’autre. Des moments de confiance qui se perdent ou se gagnent sur un ou deux ballons. Comme on ne peut pas garder la balle ou mettre des tampons comme au basket, au foot, au rugby ou au hand, on est totalement dans la gestion de la frustration, de l’intellect et de la fluidité du geste. De l’agressivité sans agressivité. Des choses qui basculent. Du coup, je suis désolé mais je n’ai pas de certitude.

Comment avez-vous géré la pression de Tokyo 2021 ?

La pression, on a beau essayer de l’appréhender, elle est toujours là. Il y a six ou sept ans, je disais que la meilleure chance de faire une médaille aux Jeux n’est pas tellement Rio mais Tokyo, parce que les joueurs avaient besoin de connaître les Jeux en tant que joueurs. Ils avaient besoin de cette expérience-là, de ce passage-là. Les équipes médaillées aux Jeux sont en général dans le dernier carré des Jeux d’avant. Il y a très peu de turn-over. On a toujours les États-Unis, l’Italie, la Pologne, la Russie, le Brésil et, de temps en temps, une nation comme l’Argentine ou la France se pointe. Sur les Jeux, oui, j’avais beaucoup de stress – peut-être plus que d’habitude, mais je pense que c’est pour tout le monde. J’ai appris, d’ailleurs, que mon staff m’avait dénommé « le septième élément » (il éclate de rire) ! Nous étions dans une poule de six, et il y avait toujours un élément plus délicat à gérer, qui était moi-même parce qu’avec le stress, je changeais au dernier moment d’idée sur la programmation, sur le déroulé de l’entraînement, sur le plan de jeu… Mes nuits étaient courtes. En fait, on est tellement dans la compétition, dans le briefing-débriefing, dans la préparation, entraînement, pas entraînement, qu’est-ce qu’on doit faire… On jongle. On est sur du sable mouvant. Oui, on a bien morflé mais le staff aide beaucoup dans ce domaine. Il décharge pour gérer le groupe. Ce que j’essayais de faire, à titre personnel, c’était de me coucher tôt. Dès que j’étais fatigué, je dormais, même si j’étais réveillé ensuite à 5 heures ou à 6 heures du matin. Dès que je pouvais, je dormais, même l’après-midi. Nous étions avantagés : loin de la France, il n’y avait pas de journaliste et je ne regarde pas les réseaux sociaux. Du coup, j’étais vraiment dans ma petite bulle.

Comment gérez-vous vos émotions, en tournoi ou en match ?

Il faut essayer de montrer une certaine sérénité. Le coach doit accompagner les athlètes. Mon métier, c’est d’être schizophrène et paranoïaque. Schizophrène parce que je dois avoir plusieurs personnalités, en fonction des situations ou des joueurs ; paranoïaque parce que je me méfie de tout et que je suis inquiet pour tout. Je sais qu’un match peut basculer pour un point, un regard de travers, une faute d’arbitrage, etc. On essaie donc de tout maîtriser et, malgré tout cela, on sait qu’il y a quelque chose qu’on ne maîtrisera jamais. Dès lors, on doit adopter une attitude plus sereine, plus distanciée. Mais il faut savoir être émotif. Il doit y avoir des émotions : sinon, on est trop en décalé. Je mets de l’empathie, du moins j’essaie. Parfois, c’est impossible : tu mets de l’empathie mais tu sais qu’un jour, tu ne feras pas jouer ton joueur et il t’en voudra à mort. Ça ne sert à rien de brosser, brosser, brosser ; je préfère garder un peu de distance, comme ça au moins ni le joueur ni moi ne sommes gênés et frustrés s’il y a des animosités (il sourit).

Écouter les athlètes est-il important pour vous ?

C’est un principe important mais je n’en suis pas très capable. C’est mon staff qui le faisait beaucoup. Ils ont énormément désarmé. Bien sûr, ils me rapportaient les discussions, et à moi d’intervenir ou pas. Je le faisais 2-3 minutes, en aparté ou de façon officielle, souvent de façon décalée, en alternant un peu d’humour et un peu de sérieux, en essayant de partager les émotions ou les frustrations que les joueurs pouvaient avoir. En direct, c’est difficile. C’est dû à ma personnalité mais aussi à ma situation, ma position. Vous êtes joueur de volley, vous voulez jouer, et moi je ne vous fais pas jouer. Vous êtes dans la frustration totale. On est obligé de désamorcer. Je vais le faire une fois, deux fois, mais au bout de trois fois… En revanche, aller voir mon staff, aller discuter avec le kiné, le médecin, l’adjoint ou le manager, c’est le sas de bienveillance et d’alerte. Je l’utilise. Ça fait partie de ma méthode. Ce sas est très important parce que certains joueurs ont besoin de s’exprimer. C’est un peu à la carte.

L’équilibre du groupe s’atteint-il en agrégeant des personnalités très différentes ?

Les choix ont été faits pour cela. Il faut des leaders techniques, des leaders naturels, agressifs, éviter les électrons libres – s’il y en a trop, et qui ne sont pas forcément leaders, ça détruit le groupe. Les choix des joueurs doivent le solidifier. Il y a des joueurs qu’on ne voit pas mais qui sont très importants pour une équipe, pour la confiance, pour accompagner d’autres joueurs. Dans un sport collectif, on a beau essayer d’être équitable ou juste, il y a toujours de l’injustice et de la frustration. Il faut prendre ceux qui acceptent cette hiérarchie et, au-delà de leurs qualités, de travailler pour le groupe. Normalement, je travaille beaucoup sur une hiérarchie, avec des qualités différentes selon les joueurs : précision pour les uns, aptitude à plusieurs rôles pour les autres, à la prise de risques pour d’autres encore mais, si vous avez trop de joueurs qui prennent des risques, ce n’est pas bon ; il faut donc des joueurs qui travaillent sur la sécurité ou qui acceptent de prendre moins de risques pour que d’autres puissent en prendre plus. Ça fait partie de la construction. Et ensuite, il faut que les joueurs aient confiance en mon coaching, dans le travail que nous fournissons, et qu’ils ne se posent pas trop de questions.

Avez-vous accepté que ce n’est plus vous qui êtes sur le terrain ?

Je vais vous rassurer : le jour où je suis devenu entraîneur, c’est ce que j’ai décidé. J’ai arrêté de jouer ; je suis devenu entraîneur un mois après ; je n’étais plus joueur. Et j’essayais de ne pas faire référence à ma carrière de joueur. En tant qu’entraîneur, je ne suis pas un joueur de Game Boy. Ce sont mes joueurs qui jouent. Mon rôle, c’est juste d’essayer de mettre les meilleurs sur le terrain – en tout cas complémentaires – et, dans la partie de travail, c’est de mettre en place des situations d’entraînement qui fassent réagir les joueurs. À eux de trouver les clés, même si j’en donne, bien sûr. Je ne suis pas là pour tout décider. Tous mes plans de jeu, toutes mes consignes de match, nous les élaborons mais les joueurs sont les premiers à pouvoir changer ou pas. Il y a le plan de jeu théorique, qui est magnifique, et en général on essaie d’établir un plan adapté à ses propres joueurs. Ces derniers doivent être capables de réaliser le plan. Ça permet d’installer une certaine sérénité et confiance, alors que si l’on demande un plan de jeu trop compliqué ou trop théorique, on va droit dans le mur à cause d’une incapacité à réaliser ce qu’on demande.

Y a-t-il eu besoin de s’adapter particulièrement au contexte de 2021 – pandémie, absence de public, décalage horaire, climat ?

L’équipe de France a l’habitude de voyager énormément. Une année sportive, c’est aller au Brésil disputer trois matchs, revenir en Europe pour trois autres, repartir au Japon pour trois matchs, aller jouer en Russie… Nous sommes habitués à ces décalages. Ça, on le gère et il n’y a pas eu de problème. La salle était magnifique. Nous avions effectivement un peu peur des salles vides mais cela faisait un an, un an et demi que les joueurs étaient habitués. On se plaignait seulement en disant : « Ah, c’est dommage qu’il n’y ait pas de public. » Mais ça ne nous a pas gênés. L’organisation était tellement parfaite que nous avons eu zéro problème. Nous sommes tellement passés par des hauts et des bas, nous avons tellement appris à ne pas nous plaindre et à encaisser que tout a été parfait.

Y a-t-il, en 2021, des choses que vous avez sciemment laissées de côté, auxquelles vous avez renoncé ?

(Il réfléchit) J’aurais voulu entraîner plus, j’aurais voulu être plus parfait. Travailler plus le block. J’ai beaucoup utilisé mon principe d’entraînement. Je veux entraîner pratiquement tous les jours, garder la pression tous les jours, ce que j’ai pu faire sur la préparation. Je ne veux pas que les joueurs s’ennuient ni qu’ils soient ultra-fatigués mais j’aime bien qu’ils soient fiers de ce qu’ils ont fait. Les entraînements trop faciles ou peu intéressants amènent de la lassitude et un manque de concentration. Mon principe, c’est d’entraîner le plus longtemps possible avec la qualité, l’engagement, l’intensité maximum. Pour moi, le volley n’est pas un sport qui se joue à vingt à l’heure. Si on s’entraîne à vingt à l’heure, quand arrive le match où les Polonais servent à 130 km/h, le gap est impossible (à combler). Sur la préparation, j’avais très peur des blessés et de la lassitude, donc je préparais des entraînements avec 3-4 portes de sortie en fonction du déroulement de la séance. Je commençais toujours par ce que je voulais travailler en premier, puis en deuxième, en troisième… et après, je laissais filer. Du coup, j’étais un peu frustré par ce que nous n’avons pas entraîné énormément. Mais je me disais aussi qu’au regard de tout le travail effectué depuis huit ans, ce n’était pas maintenant que nous allions beaucoup changer. Nous avons donc plutôt peaufiné, cherché à ne pas blesser (les joueurs), à nous ajuster, à travailler les petits détails, la confiance, ce qui a assez bien fonctionné. Ce qui m’a davantage gêné, c’est d’avoir revécu la « semaine grise », que nous avions connue à Rio aussi. Cette semaine où les joueurs sont dans le doute, ne veulent plus s’entraîner, ont peur… Là, je n’avais pas trop de clés. En dehors de cela, j’ai toujours maintenu mon axe de travail technique : service, réception, défense, service, réception, défense. Le side out. Ce sur quoi nous étions les plus forts et qui me semblait le plus important pour commencer et terminer un match.

Quel détail, au cours de ce tournoi olympique, vous paraît avoir été décisif ?

(Amusé) Au volley, on met six joueurs sur le terrain, qui tournent. Un joueur est positionné trois fois devant, ce qui veut dire qu’il peut attaquer trois fois, et trois fois derrière, où il attaque un peu moins. Sur les 4-5 dernières années, chaque fois que nous avions un tie-break important – le dernier set, donc – je partais souvent avec N’Gapeth devant parce que c’est mon meilleur attaquant et que cela paraît logique de commencer ainsi. Or nous avons perdu pas mal de tie-breaks avec N’Gapeth partant devant. Dans la préparation, ça s’est produit et nous avons perdu. En poule, aux Jeux, match très important contre l’Argentine, on part avec N’Gapeth devant au tie-break et on perd 3-2. Là, je me suis dit : « Je ne mets plus N’Gapeth devant sur un tie-break (il rit). » Sur ce, vous jouez la finale olympique. Ça ne vous arrive quand même pas souvent. Et vous avez un tie-break à jouer (il rit). Je pars avec N’Gapeth derrière. Et pas devant. Et on est mené 3-0 puis 6-3. Là, c’est pratiquement plié. À 3-0, N’Gapeth me hurle (il rit) : « Mais pourquoi tu m’as fait partir derrière ? Pourquoi tu m’as fait ça ? – Continue à jouer, continue à jouer… » À 6-3, je me dis : « Houlà, si on perd, il va me tuer dans le vestiaire, il va me pendre… » Et on gagne le match. En fait, c’est irrationnel. Basé sur l’expérience et le feeling. C’est la réalité : je ne suis pas parti avec N’Gapeth devant (il sourit). Et nous avons gagné le tie-break.

Sur cette finale, il y a un autre élément…

C’est ça qui est intéressant aussi : nous sommes menés 6-3 ou 7-4 et arrive Nicolas Le Goff, qui a un service flottant, pas très difficile. Je le changeais régulièrement sur les sets, avant, pour faire entrer Louati. Arrive donc Le Goff, et tout mon staff hurle : « Il faut changer, il faut changer ! » On laisse. Et ce qui est incroyable (il rit), c’est qu’avec son service facile… (il s’interrompt) Au moins, il ne fait pas de faute. Donc il sert, et normalement les Russes font le point direct. Faute d’attaque des Russes. Ah. On prend, on prend ! Deuxième service de Le Goff. Pas très difficile. Nous faisons un block qui ralentit la balle, défense derrière, on fait un point. Oh ! Deuxième point consécutif. Il re-sert. Service facile. Les Russes en situation ; attaque dehors. On fait trois points sur un service pas difficile qui nous fait recoller et basculer devant. Pourquoi je ne l’ai pas changé à ce moment-là ? Parce que j’avais plus confiance en la force collective qu’en un exploit trop difficile pour quelqu’un qui venait du banc. À froid, il ne m’aurait jamais fait un, deux ou trois aces. À un moment, il fallait faire confiance à l’esprit collectif et aux joueurs qui étaient sur le terrain, qui avaient la pression et qui la géraient. C’est très difficile de la gérer pour un ou deux services. Pour moi, ces deux aspects ont été des clés du tie-break.

Êtes-vous branché croyances et superstition ?

Elles n’ont pas de rapport avec la performance mais elles permettent de se concentrer. Et le fait d’être un peu plus concentré permet peut-être d’être meilleur. Je ne les prends donc pas comme un mauvais côté. Quand j’étais joueur, c’est vrai, je faisais un peu plus attention aux chaussettes, aux chaussures… Ça a toujours existé. Depuis que je suis entraîneur, j’ai toujours des tics avant match. J’essaie de choisir le stylo de la compétition, qui va nous faire gagner jusqu’au bout. Jusqu’à ce qu’on perde, et là je change. Ou je me dis « non, je le garde quand même. » C’est vraiment irrationnel. Par contre, j’aime bien, avant chaque match, réécrire de mémoire tous les noms, prénoms et numéros des joueurs dans l’ordre. Et si je fais une faute, ce n’est pas bon signe (il éclate de rire). Je ne suis pas assez concentré. Du coup, je recommence. Et je me dis « là, on va galérer… » Ce n’est pas un tic, plutôt une routine pour me concentrer et entrer dans le match.

Quelle question poseriez-vous à un pair qui a, lui aussi, disputé les Jeux ?

J’ai eu la chance de côtoyer pas mal d’entraîneurs et de participer à quelques colloques avec Claude Onesta et ses académiciens mais je suis resté très longtemps isolé dans le monde du volley. J’ai eu la chance de rencontrer trois coaches de standing, et la question que je leur posais, c’était : « Mais comment vous avez fait pour être champion olympique ? Comment vous avez fait ? » C’est une question que je n’avais pas honte de poser et qui m’avait toujours interpellé. Ça entraînait des discussions à bâtons rompus… Si j’ai une question à poser à n’importe quel coach, c’est : « Comment gérer la semaine avant le premier match ? Qu’est-ce que vous faites pour commencer la compétition ? » C’est… (Il rit) Je n’avais pas de solution ! C’est un métier où l’on n’a jamais de certitude et où l’on ne peut pas faire de copier-coller. On est toujours obligé de s’adapter. C’est un côté que j’appréhende assez bien : se préparer pour tout en sachant que le chaos va arriver. Ce qui tue beaucoup, ce qui tue vraiment une équipe ou un joueur, c’est de vouloir jouer à la perfection. Nous, nous avons la chance d’être dans une relation A contre B. L’idée n’est donc pas de jouer à la perfection, parce que ça ne veut rien dire et que ça te met la pression pour rien. Par contre, essayons de faire déjouer l’adversaire. Essayons de basculer la pression non pas sur nous en nous disant « il faut bien jouer » (mais sur l’adversaire) : « Faisons déjouer ici », « essayons de les travailler là », « essayons de ralentir là »… C’est beaucoup plus positif, comme démarche. Beaucoup plus apaisant que de vouloir jouer parfaitement pour gagner. Pour gagner, on n’est pas obligé de bien jouer.

Vous, par le passé, avez peut-être voulu trop bien jouer…

Exactement ! Ça m’est venu quand j’entraînais Cannes. Nous avions une très bonne équipe, nous menions toujours – 16-12, 17-13… – et quand on ratait un point ou deux, ça partait en panique parce que nous ne jouions pas assez bien, que nous n’étions pas assez précis. Et on perdait. Jusqu’au jour où j’ai inversé le truc en me disant : « Non non, il ne faut pas qu’on joue très bien, il faut simplement qu’on continue à faire déjouer. » Un autre côté très intéressant, c’est que nous avons la chance de ne pas jouer avec le temps. Nous ne jouons qu’avec le score. Et souvent, quand une équipe mène et qu’elle se fait grappiller 2-3 points, elle se désunit. Avant d’être volleyeur, j’étais nageur et j’avais des entraînements au cours desquels il fallait faire dix fois 100 m. C’est une horreur. Je comptais 1, 2, 3, 4, 5, 6… 15, 16, 17, 18… pffff ! Le jour où j’ai commencé à compter à rebours, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3… la dynamique a été complètement différente. Comme quoi la force intellectuelle, l’imaginaire, sont vraiment importants. Avec mes joueurs, quand on arrive à un certain score, on arrête de regarder combien de points l’on a : il nous reste x points à faire. Et ça change complètement la dynamique. Ça paraît facile, débile, mais ça change énormément. L’énergie positive sur un terrain. C’est ce qui fait que vous allez faire le point ou le perdre. C’est cette dimension-là qu’il faut travailler tous les jours.